Historique et situation actuelle
Le marché volontaire du crédit carbone se trouve à un tournant majeur. La technologie a transformé notre capacité à mesurer et surveiller les stocks de carbone, introduisant parallèlement de nouvelles initiatives en faveur de l’intégrité des crédits carbone. Toutefois, ces avancées ont également créé une période d’incertitude et d’inertie pour les acheteurs et les investisseurs.
Plusieurs éléments viennent alimenter cette situation :
L’article 6 de l’Accord de Paris : il a redéfini les attentes en termes d’intégrité et d’utilisation des crédits carbone, notamment à travers ses mécanismes coopératifs et le futur marché global sous l’article 6.4.
Le CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) : ce programme spécifique à l’aviation internationale a ajouté un cadre de conformité à un marché jusqu’alors dominé par le volontariat.
Les Core Carbon Principles et les agences de notation : ces initiatives cherchent à améliorer la crédibilité et la transparence des crédits carbone, mais elles ont aussi mis en évidence le manque de consensus sur ce qui constitue un crédit carbone « de qualité ».
L’essor des mécanismes locaux et régionaux : des programmes nationaux ou régionaux (comme les ETS en Europe ou en Chine) influencent le marché volontaire en créant des zones grises entre volontariat et conformité.
La digitalisation et les technologies blockchain : elles promettent une transparence accrue, mais ajoutent aussi des complexités pour évaluer la validité des crédits.
La pression accrue des consommateurs et des investisseurs : la réduction des émissions est devenue une priorité impérative, reléguant souvent les projets de compensation carbone au second plan. Bien que la réduction soit cruciale, cet écart dans les priorités à court terme ignore dangereusement le fait que la compensation reste indispensable pour atteindre les objectifs climatiques de manière factuelle et globale.
Cette absence de consensus crée une fragmentation du marché. Les investisseurs / acheteurs, submergés par une multitude d’options et d’initiatives parfois contradictoires, éprouvent des difficultés croissantes à prendre des décisions claires. Cette confusion a un impact direct sur les orientations des capitaux, qui s'établit averse au risque, en s’orientant vers des solutions mieux établies ou conformes à des standards reconnus, voir de la prudence et l'attente dévolution claire de marché.
Pour les développeurs de projets (PD), cette prudence se traduit souvent par une pression accrue et des choix restreints : ils doivent soit sécuriser à l’avance un acheteur final pour garantir un débouché clair, soit créer des crédits fungibles capables de répondre à plusieurs usages et normes. Cependant, le choix de nouvelles normes, bien qu’économiquement avantageux et rapide, impose aux développeurs de « vendre » à la fois le projet et la norme elle-même, ce qui peut dissuader les acheteurs. Ces derniers, limités en temps ou en ressources, préfèrent souvent des crédits conformes à l’article 6 et intégrables dans des mécanismes comme le CORSIA ou d’autres marchés réglementés.
En conséquence, le marché volontaire est actuellement marqué par une fragmentation importante, des attentes croissantes en matière d’intégrité et une transition vers des normes plus robustes. Bien que ces changements soient essentiels pour la crédibilité à long terme du marché, ils ralentissent les activités à court terme. Cette prudence conduit souvent à une allocation limitée des capitaux, freinant le lancement de nouveaux projets. Les projets basés sur la nature, bien qu’indispensables, peinent ainsi à voir le jour faute de financement initial, retardant leurs multiples bénéfices potentiels : soutien aux communautés locales, protection de la biodiversité et renforcement des écosystèmes. Une approche plus proactive est nécessaire pour permettre leur déploiement et maximiser leur impact à long terme.
Perspectives : la réponse de la COP29 et les évolutions de l’article 6.4
La COP29 a marqué un tournant significatif pour le marché volontaire du crédit carbone. Les discussions autour de l’article 6.4 ont permis d’avancer vers un cadre plus cohérent et un marché global harmonisé. Parmi les évolutions clés, on peut noter :
La mise en place de standards renforcés : des règles communes visent à garantir l’intégrité des crédits, réduisant ainsi les doutes des investisseurs et facilitant l’adoption par les entreprises.
Une intégration accrue avec les marchés réglementés : la compatibilité entre les mécanismes volontaires et les exigences des marchés de conformité a été élargie, ouvrant de nouvelles opportunités pour les crédits conformes à l’article 6.
Un soutien aux projets communautaires et basés sur la nature : la COP29 a reconnu l’importance des co-bénéfices environnementaux et sociaux, encourageant des approches holistiques qui combinent carbone, biodiversité et développement local.
Ces avancées promettent de clarifier le cadre d’action pour les développeurs de projets et les investisseurs, réduisant l’incertitude actuelle et stimulant une participation plus active au marché volontaire. Toutefois, la mise en œuvre de ces réformes prendra du temps, rendant crucial le maintien d’un dialogue constructif entre les parties prenantes.
Conclusion
Il est important de rappeler que la compensation carbone constitue une nécessité, quelle que soit sa certification. Elle devra émerger comme un élément central dans un futur proche. Sur le long terme, sa pertinence transcendera les cadres réglementaires, étant rationalisée par ses bénéfices absolus et durables, à condition qu’elle soit bien menée. Cette perspective repose sur la capacité des projets à offrir des avantages significatifs et à contribuer de manière tangible aux objectifs climatiques globaux.
À PROPOS D'APOLOWNIA
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