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La compensation carbone démystifiée (2/3)




Compensation carbone et éthique : le besoin d'une révolution du marché


Dans notre premier article, nous avons analysé les lacunes de certains projets et les problèmes de transparence liés à la compensation carbone. Il est maintenant temps de s'attaquer à une autre question tout aussi pressante : les dynamiques éthiques et sociales derrière cette pratique. Le marché de la compensation carbone est souvent perçu comme un mécanisme par lequel les nations les plus riches achètent leur exonération de responsabilité, en finançant des projets dans des régions plus pauvres sans pleinement considérer l'impact local. Mais au-delà de ce récit, existe une réalité plus complexe. Une réalité qui notamment représente une opportunité pour les communautés si elle est mise en œuvre de manière constructive.


Pour que la compensation carbone contribue réellement à l'action climatique, elle doit respecter les besoins et les droits des communautés locales, en veillant à ce que les personnes les plus concernées par ces projets soient écoutées, impliquées et en bénéficient. Cet article se penche sur les critiques sociales et éthiques de la compensation carbone, en expliquant comment nous pouvons concevoir des solutions qui favorisent une véritable équité tout en agissant sur la réduction de GES au niveau mondial.


Équité et enjeux sociaux


Pour de nombreux critiques, la compensation carbone reflète un déséquilibre de pouvoir. Le narratif récurrent est que les pays riches financent des projets dans des régions économiquement défavorisées, souvent en négligeant les conséquences sociales. Cette dynamique peut exploiter les communautés vulnérables, les transformant en de simples outils pour atteindre les objectifs de réduction des émissions des pays plus riches. Pour rendre la compensation carbone juste, nous devons prendre en compte ces critiques et veiller à ce que les projets de compensation bénéficient réellement aux populations locales.


Inquiétudes :


  • Impact sur les communautés locales : Les projets de compensation carbone, en particulier ceux dans les pays en développement, sont souvent critiqués pour leur manque d'engagement avec les communautés locales ou pour leur incapacité à en faire bénéficier ces dernières. Dans les pires cas, ces projets peuvent déplacer des populations ou restreindre leur accès à des ressources essentielles, comme la terre et l'eau. Il est crucial de reconnaître que chaque contexte local est unique, et les projets doivent être adaptés aux besoins spécifiques des communautés plutôt que d'adopter une approche uniforme.


  • « Colonialisme vert » : Ce terme met en lumière la tendance des pays développés à compenser leurs émissions en finançant des projets dans les pays en développement, au lieu de s'attaquer à leur propre consommation et émissions. Cette dynamique renforce les déséquilibres de pouvoir globaux existants et peut freiner la transition vers une économie véritablement bas-carbone. En se contentant de délocaliser les réductions d'émissions, les nations plus riches risquent d'éviter les changements structurels nécessaires chez elles.


Solutions :


  • Engagement communautaire et co-bénéfices : Les projets doivent impliquer activement les communautés locales, en veillant à ce qu'elles bénéficient directement des initiatives. Cela implique de mener des évaluations approfondies des impacts sociaux et d'obtenir le consentement libre, préalable et éclairé (CLPE) des populations locales et autochtones. Les co-bénéfices, tels que la création d'emplois, l'amélioration des infrastructures locales, de l'agriculture, des produits locaux et l'amélioration des écosystèmes en général, peuvent transformer un projet d'une imposition extérieure en un atout réel pour la communauté.


  • Mise en œuvre de cadres de co-bénéfices : Lorsque les projets de compensation sont conçus avec des co-bénéfices sociaux et écologiques, ils peuvent devenir des moteurs de développement local. Par exemple, les projets de restauration de mangroves (découvrez pourquoi les mangroves sont des super-héros climatiques ici) non seulement aident à séquestrer le carbone, mais aussi à renforcer les écosystèmes côtiers, menant à un meilleur environnement de pêche, à une biodiversité accrue et à une protection des côtes contre l'érosion et les tempêtes. Une telle approche permet d’aligner les objectifs environnementaux avec les intérêts économiques locaux.


  • Mécanismes de plainte indépendants : La mise en place de mécanismes de plainte accessibles permet aux communautés locales d'exprimer leurs préoccupations si les projets ne tiennent pas leurs promesses ou causent des dommages. Cette étape permet de rendre les projets redevables envers les personnes directement concernées et de garantir que les problèmes soient résolus de manière rapide et équitable.


  • Intégrité du marché et spéculation : Le marché des crédits carbone peut être considéré comme une solution à double tranchant : c’est un outil destiné à l'action climatique, mais il fonctionne sur la base d’un marché ouvert qui permet spéculation et instabilité. Cette volatilité peut transformer les crédits carbone, instrument de changement environnemental, en un actif financier spéculatif, fragilisant le véritable objectif. Pour maintenir l’intégrité des marchés du carbone, il est essentiel de répondre à ces écueils économiques.


Inquiétudes :


  • Volatilité des prix et spéculation : La volatilité inhérente du marché des crédits carbone peut décourager les entreprises d'utiliser les compensations comme partie intégrante de leurs stratégies climatiques. Les investisseurs traitent parfois les crédits carbone comme des actifs spéculatifs et donc l’action climatique comme un actif à boursicoter comme les autres. Si la fluidité du marché est nécessaire, cette spéculation peut compromettre la stabilité nécessaire aux entreprises qui investissent et aux porteurs de projet, pour qu’ils s’engagent dans des investissements à long terme et des projets durables.


  • Surémission de crédits : Lorsqu'il y a trop de crédits émis, cela entraîne une baisse des prix, ce qui réduit les incitations pour les entreprises à investir dans des projets de réduction des émissions de haute qualité et à fort impact. Cela peut conduire à une surabondance de crédits bon marché ayant peu d’impact réel. Veiller à ce que les crédits soient émis sur la base de critères rigoureux et scientifiquement validés est essentiel pour maintenir l'intégrité du marché.


Solutions :


  • Surveillance réglementaire : Une surveillance robuste de la part des gouvernements et des organismes internationaux pourrait être nécessaire pour prévenir la manipulation des prix et garantir que les crédits soient liés à des projets légitimes et de haute qualité. Les cadres réglementaires peuvent aider à créer un marché plus stable qui s'aligne sur les objectifs climatiques, encourageant les entreprises à investir dans des initiatives solides climatiquement.


  • Planchers de prix minimums : L’établissement d’un prix minimum pour les crédits carbone peut stabiliser le marché, en encourageant l’investissement dans des projets de réduction des émissions à long terme et significatifs. En fixant un prix plancher, nous évitons la course au moins-disant économique et, par conséquent, le développement de projets de mauvaise qualité dont le seul objectif est l’émission de crédits bon marché. Cela permet de s'assurer que les crédits reflètent le véritable coût du carbone.


  • Encourager les réductions directes : Les entreprises devraient être tenues de privilégier les réductions directes des émissions avant de recourir aux crédits de compensations. Cette approche garantit que les compensations restent une mesure complémentaire plutôt qu’une solution principale, maintenant la priorité sur un changement structurel au sein des industries.


Risque moral et action climatique différée


L'un des dangers majeurs de la compensation carbone est le risque moral : l’idée que les entreprises pourraient utiliser les compensations comme excuse pour retarder des changements substantiels dans leurs opérations. La compensation carbone peut se transformer en un échappatoire commode mais très grave, celui qui permet aux entreprises de revendiquer la neutralité carbone tandis que leurs pratiques opérationnelles demeurent inchangées et que leurs émissions restent hautes. Pour y remédier, il faut intégrer les compensations dans une stratégie climatique plus large privilégiant l'action directe.


Inquiétudes :


  • Risque de greenwashing : Certaines entreprises utilisent des projets de compensation carbone pour donner l'impression d'une responsabilité environnementale sans apporter de changements significatifs à leurs pratiques réelles. Cette tactique, connue sous le nom de greenwashing, peut induire en erreur les consommateurs et les investisseurs sur le véritable impact environnemental d'une entreprise. Nous devons rester vigilants face aux affirmations trompeuses qui empêchent un véritable progrès dans la lutte contre le changement climatique.


  • Report de la réduction des émissions : Les critiques affirment que le recours aux compensations permet aux entreprises d'éviter de prendre des mesures plus difficiles et plus significatives sur leurs opérations et leurs infrastructures dès à présent. Cette procrastination ralentit la transition vers une économie véritablement bas-carbone. Un focus sur les solutions à court terme peut détourner de la nécessité urgente de changements systémiques à travers les industries.


Solutions :


  • Intégrer la compensation dans des stratégies climatiques globales : La compensations doivent compléter l'approche globale d'une entreprise en matière d'action climatique. Cela signifie investir dans l’efficacité énergétique, passer aux énergies renouvelables, et décarboner les chaînes d’approvisionnement. La compensation servant de levier pour les émissions résiduelles. Une approche holistique est essentielle pour atteindre une durabilité à long terme. Lisez ici notre série d'articles sur « Pourquoi les entreprises doivent s'engager pour le climat ».


  • Déclaration et engagement public : La transparence est la clé de la responsabilité. Les entreprises devraient être transparentes en ce qui concerne leurs achats de crédits carbones, les projets spécifiques qu'elles soutiennent et l'impact de ces projets. Des engagements publics donnent aux consommateurs et aux investisseurs une vision plus claire de la manière dont la compensation s'intègre dans la stratégie environnementale globale de l'entreprise.


  • Objectifs basés sur la science (SBTI) : Encourager ou obliger les entreprises à fixer des objectifs de réduction des émissions conformes à l'Accord de Paris (en savoir plus ici) garantit que la compensation s'intègre dans un dynamique globale de réduction des émissions. Cela maintient l'accent sur la réduction des émissions dans leurs processus et veille à ce que les compensations jouent un rôle dans la réalisation d'objectifs nets zéro authentiques.


Vers une approche plus juste et efficace de la compensation


Dans notre premier article, nous avons abordé les limitations technologiques et les défis de transparence de la compensation carbone. Ici, nous avons confronté les considérations éthiques, en soulignant la nécessité d'une plus grande implication des communautés, de pratiques de marché plus équitables et d'un engagement pour un véritable changement. La compensation carbone, si elle est bien réalisée, peut être un outil puissant—non seulement pour réduire les émissions mais aussi pour encourager des impacts sociaux positifs et soutenir la transition vers un monde plus équitable.

Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin, dans notre prochain article, nous nous pencherons sur les aspects opérationnels de la compensation carbone et ses critiques. Comment garantir que les projets soient mis en œuvre efficacement sur le terrain ? Quels sont les défis logistiques, et comment les surmonter pour faire de la compensation un élément fiable de notre boîte à outils pour l'action climatique ? Restez avec nous et continuons à explorer les complexités et le potentiel de la compensation carbone.


À PROPOS D'APOLOWNIA


Apolownia est une entreprise à mission engagée dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Nous soutenons les entreprises et les fonds désireux de s'engager dans des stratégies de décarbonation à long terme et impactantes - au sein et au-delà de leur chaîne de valeur - en concevant, en mettant en œuvre et en assurant le suivi de projets de contribution climatique basés sur la science et dont l'objectif est de restaurer les écosystèmes naturels.


À travers la technologie et des solutions innovantes, nous visons à façonner un monde résilient et respectueux de l’environnement, en encourageant la décarbonation de l'économie et en soutenant des initiatives sociales et environnementales.


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